Critique : Company au Gielgud Theatre de Londres
Publié le 28/02/2019 par Tony Comédie.
Company, chef-d’oeuvre de la comédie musicale américaine contemporaine, est de retour à Londres dans une production gender-swapped où Bobby devient Bobbie et où Patti LuPone campe une fois de plus le rôle de Joanne (ou pas). Trève de suspense, on est ici proche de la perfection.
Ceux qui me suivent depuis un certain temps savent que Company est peut-être ma comédie musicale préférée. Je n’avais jamais eu la chance d’y assister dans un théâtre, mais je regardais en boucle la captation de la production de 2011 à Broadway avec Neil Patrick Harris dans le rôle de Bobby et Patti LuPone dans celui de Joanne. Quand j’ai appris que Company serait de nouveau joué à Londres, j’ai immédiatement réservé mon week-end ! Il était impensable pour moi que je rate cette production comme j’ai manqué celle de Kiss Me Kate l’année dernière (j’aime aussi beaucoup Kiss Me Kate).
Company est une comédie musicale de 1970 de Stephen Sondheim (musique et paroles) et George Furth (livret). Aujourd’hui considérée comme la première comédie musicale “concept”, elle ne raconte pas une histoire de manière linéaire mais met en scène des tranches de vie, sans ordre chronologique, entre Bobby, 35 ans, ses couples d’amis et ses conquêtes amoureuses. Sondheim y aborde avec simplicité et beaucoup d’humour de nombreux thèmes chers aux trentenaires comme l’amour, l’amitié, le mariage et la pression sociale.
Dans ce revival londonien, Bobby est devenu Bobbie, campée à la perfection par Rosalie Craig. L’hétérosexualité supposée de Bobby étant un élément important du livret, celle-ci est maintenue en remplaçant les trois conquêtes féminines par des amants, dont un steward joué avec talent (et muscles) par Richard Fleeshman. Enfin, le couple des futurs mariés Amy et Paul devient un couple gay (Jamie et Paul) pour satisfaire la scène “Marry me a little”.
Nul besoin de rappeler que la pièce est écrite avec le talent exceptionnel de Sondheim, dont on connaît la précision des paroles. La musique relève elle aussi du chef-d’oeuvre (de nombreuses versions, dont celle qui nous intéresse ici, sont disponibles en streaming) et sert le propos avec perfection.
La mise en scène de cette production est signée Marianne Elliott, qui a notamment travaillé sur Angels in America au National Theatre de Londres en 2017. Elle regorge de détails et laisse toute sa place à l’humour, omniprésent dans la pièce. Les décors sont magnifiques, se déplacent avec une fluidité incroyable. La création lumière et les costumes sont parfaits. On sent une véritable réflexion artistique dans le travail de Marianne Elliott.
J’en viens maintenant à la déception de la soirée. Patti LuPone était “indisposée” ce soir-là et fut remplacée par sa doublure Francesca Ellis que je n’ai pas trouvé à la hauteur du rôle. Mais ce n’est qu’un détail à côté de la perfection de la production.
On pourrait reprocher au revival de se conformer à une mode (#metoo, mariage gay). Il faut d’abord rappeler que tous les changements ont été validés par Sondheim himself. Ensuite, une pièce comme Company, tellement ancrée dans la réalité, se doit d’évoluer avec le temps pour continuer à toucher le spectateur presque 50 ans après sa création. Enfin, quand les modifications sont réalisées avec talent, comme c’est le cas ici, je ne vois pas comment l’on pourrait émettre le moindre reproche. La scène “Getting Married Today”, qui concerne ici un mariage gay, est juste hilarante. Citons d’ailleurs le formidable Jonathan Bailey dans le rôle de Jamie.
Company se joue au Gielgud Theatre de Londres jusqu’au 30 mars 2019. Si vous avez la moindre occasion de vous déplacer outre-manche d’ici là, ne laissez pas passer cette occasion...
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