La Seine Musicale accueille cet automne l'adaptation en "comédie musicale" du film La Haine de Mathieu Kassovitz. Mon avis sur ce spectacle.
Tourné intégralement en noir et blanc et scandé par des écrans noirs avec l'heure de la journée affichée à la manière d'un réveil, le film La Haine est considéré à juste titre comme un film culte et a été récompensé aux Césars et au Festival de Cannes. J'ai pour ma part beaucoup apprécié ce film que j'ai découvert il y a quelques années.
La Haine nous fait vivre une journée "ordinaire" de trois jeunes de banlieue : Vinz, Said et Hubert. On y suit le trio dans ses déambulations en banlieue et dans la capitale, sur fond de violence urbaine à la suite d'une bavure policière.
Trente ans après sa sortie au cinéma, Mathieu Kassovitz propose une version immersive de La Haine qui mélange théâtre, danse et chant. Présentée (à tort) comme une comédie musicale, La Haine sur scène comporte quelques chansons mais pas assez selon moi pour être classée dans cette catégorie. La plupart des artistes ne chantent pas et les chansons sont là uniquement en toile de fond pour illustrer le propos, sans jamais faire avancer l'histoire.
La troupe d'artistes délivre une performance explosive. Les numéros de danse sont bluffants. Mais malgré cette énergie débordante, le spectacle manque cruellement de rythme, la faute à une écriture non adaptée à la scène. L'histoire du film, finalement assez simple, s'étire pendant 2h30 (le film original durait 1h30). Il manque un vrai ressort dramatique pour nous tenir en haleine pendant toute la durée du spectacle. D'autant plus que les (trop) nombreux noirs entre les différents "tableaux" ralentissent considérablement l'action et cassent la tension qui devrait monter crescendo au fur et à mesure des déambulations de nos trois héros.
Côté visuel, les décors sont quasi inexistants et sont rendus par un écran géant en fond de scène. Le spectacle possède une certaine esthétique en noir et blanc assez proche de celle du film. Les projections 3D sont de très bonne qualité, réalistes, et les lumières sont travaillées (effets de contre-jour). Un plateau tournant, un peu perdu au milieu de la gigantesque scène de la Seine Musicale, est posé par dessus le plateau. On aurait préféré qu'il soit encastré dans la scène. Je regrette aussi une surexploitation de ce plateau tournant : utilisé dans tous les tableaux, il finit par ennuyer le public.
En conclusion, si ce spectacle n'est pas mauvais, il n'est pas non plus indispensable. Le film La Haine est un film d'ambiance, parfait réalisé, mais il ne se prête pas à une adaptation scénique aussi fidèle. Il aurait fallu retravailler l'histoire, ajouter des péripéties, écrire un livret adapté à la scène et créer une mise en scène bien plus dynamique et inventive.
La Haine part en tournée en France puis se rejoue à la Seine Musicale du 27 novembre au 5 janvier.