Marc Deren a écrit et composé une comédie musicale originale sur le thème de la construction de la Tour Eiffel : La Tour de 300 Mètres. J’ai eu la chance d’assister à sa création parisienne.
Passées les quinze premières minutes un peu bancales (on sait à quel point il est difficile d’écrire le début d’un musical), j’ai été emporté par une histoire extraordinaire, que l’on connaît certes, mais qui nous est formidablement présentée.
La pièce, véritable déclaration d'amour à la ville de Paris, regorge de trouvailles. Il est amusant de découvrir des personnages opposés à la construction de la Tour Eiffel (la Comtesse de Poix, Guy de Maupassant), qui usent des mêmes arguments que ceux apparus lors de l’érection de la Tour Montparnasse ou plus récemment à l’occasion du projet (avorté) de tour pyramidale dans le 15ème arrondissement de Paris.
Marc Deren est connu pour son implication dans le milieu de la comédie musicale. Sa passion pour le genre se vérifie dans l’écriture de La Tour de 300 Mètres. Tous les codes du genre sont présents : une partition tantôt lyrique, tantôt exaltante, des breaks bien placés, des contre-chants, des underscores… et une structure classique mais efficace : une scène d’ouverture servant à contextualiser l’argument, une “I want” song, un élément perturbateur pour clore le premier acte, une charm song au second acte, une histoire d’amour, un drame et une happy-end. Evidemment, exit la PBO, c’est au piano (et avec une partition fort bien arrangée par John Florencio) que sont accompagnés les artistes.
L’extraordinaire culture de Marc Deren lui a permis de créer un objet artistique à la hauteur des canons de Broadway, bien au-dessus de certaines créations françaises se vantant d’apporter “Broadway à Paris” (suivez mon regard). Quand on ajoute à cela un thème particulièrement apprécié des anglo-saxons, il n’y a qu’un pas à franchir pour parier sur une future adaptation du spectacle à l’international.
Certaines scènes sont de petits bijoux. Je pense par exemple à la déclaration d’amour de l’ingénieur Salles (Simon Legendre) à la fille d’Eiffel (Elodie Pont), aux duos entre Amelia (Daphné Pellissier) et Angelo (le formidable Bastien Jacquemart) ou, dans une scène qui pourrait être encore rodée mais dont on perçoit le potentiel : le numéro de construction de la tour par les trois ouvriers Angelo, Vimont et Lefort.
J’ai toutefois une réserve concernant les rôles de Gustave Eiffel (Stanislas Clément) et de l’ouvrier Lefort (Simon Legendre). Stanislas m’a semblé en inadéquation avec le rôle, qui nécessite bien plus d’autorité et de prestance. Quant à Simon Legendre, que j’ai eu la chance d’applaudir sur plusieurs productions ces derniers mois, il fait son possible pour faire vivre le personnage de James Gordon Bennett, homme de presse américain. Mais le rôle, trop peu approfondi pour qu’il soit intéressant, est torpillé par un accent aussi ridicule qu’inutile. Dommage, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’une création ; la pièce ne pourra que se bonifier avec le temps.
Avec une mise en scène sobre mais efficace de Vincent Merval, la création de Marc Deren a pu voir le jour pour la première fois, mais certainement pas pour la dernière. Oserais-je dire qu’il s’agit de la meilleure création musicale française de la saison ? Certainement, et c’est une affaire que je suivrai de près !