J’ai assisté la semaine dernière à Paris à l’une des premières représentations d’une comédie musicale qui n’a certainement pas fini de faire parler d’elle : Le Mur.
Le Mur est une création originale de Vianney Descout (livret et paroles) et Léa Rulh (musique), mise en scène par Ned Grujic. Précisons d’emblée que Le Mur possède ce que tout auteur de comédie musicale recherche : l’équilibre parfait entre un délire artistique et une construction dramaturgique réfléchie, précise et efficace.
Le Mur est un spectacle sur le mur de Berlin et ses conséquences sur les hommes. On y suit la fuite à l’ouest de deux jeunes berlinois et la répression que subissent leurs amis, dont la tentative de fuite a échoué. Trois ans plus tard, la chute du mur sera-t-elle une libération pour tous ?
Tout est intelligent dans Le Mur : la présence d’éléments dramaturgiques essentiels à une comédie musicale (l’ouverture efficace, la fameuse “I want song”, le final épique du premier acte, une ouverture de second acte par l’humour), un propos exempt de manichéisme, des vérités historiques mais surtout une bienveillance de l’auteur à l’égard de ses personnages. Vianney Descout offre au public la possibilité d’apprécier toute la complexité de cette période à travers les destins de personnages ordinaires. Et s’il prend partie, s’il se permet de juger, c’est uniquement pour dénoncer la répression et la restriction des libertés individuelles.
La musique de Léa Rulh, d’un style rock électrique (et parfois expérimental) est terriblement efficace. Léa a eu la bonne idée d’inclure de nombreux éléments caractéristiques de la comédie musicale américaine, comme des breaks ou des underscores, ce qui contribue à soutenir le rythme du spectacle.
Le génie de Ned Grujic pour la mise en scène n’est plus à prouver. Il réussit une fois de plus à présenter une mise en scène juste et propre, avec une exploitation totale du plateau, une mise en valeur des musiciens et une utilisation limitée (et justifiée) de la vidéo. Le mur de Berlin est souvent symbolisé par une ligne de comédiens qui sépare la scène en deux espaces. Les chorégraphies d’Eva Tesiorowski sont également très efficaces et parfaitement exécutées.
Enfin, comme souvent, la qualité du spectacle repose en grande partie sur le talent des comédiens. Ils sont tous très jeunes, issus de l'ECM, et m’ont littéralement bluffé. Ils sont d’une justesse incroyable et l’émotion était souvent palpable parmi les spectateurs. Citons notamment Théo Castro, Victor Bourigault, Tristan Garnier et Léa Rulh, qui campent à merveille les principaux personnages.
Pour pinailler, et parce que je suis sûr que cela sera corrigé lors des prochaines exploitations, j’aurais aimé que certains dialogues soient plus ramassés et plus efficaces. L’orchestration m’a également semblé pauvre par moments, mais je pense qu’il s’agissait plus d’un problème de mixage audio que d’arrangement musical.
Le Mur fait partie des productions que j’ai le plus aimé cette saison, en incluant celles que j’ai vu à Londres et à New York. Je souhaite sincèrement qu’elle prenne de l’ampleur et qu’elle puisse être présentée à un large public. Quand on découvre des talents comme ceux-là, on n’a plus aucun doute sur l’avenir de la comédie musicale en France...