Pour mon premier spectacle post-Covid, j'ai choisi de me rendre au Théâtre du Châtelet pour assister à une représentation (en français !) de la comédie musicale L'Homme de la Mancha (Man of La Mancha en version originale).
Avec cette programmation, ce théâtre prestigieux renoue avec son ancienne politique de mise en valeur des comédies musicales anglo-saxonnes auprès du public français. Et ce n'est pas pour me déplaire !
Nous sommes à Séville à la fin du XVIe siècle, Miguel de Cervantes accompagné de son valet est emprisonné par l'Inquisition. Il se retrouve rapidement dépouillé par ses co-détenus. L'un d'entre eux trouve le manuscrit de Don Quichotte et souhaite le brûler. Afin de protéger son bien, le romancier se trouve obligé de raconter les aventures de Don Quichotte à ses compagnons d'un jour. Peu à peu, les prisonniers se prêtent au jeu et interprètent les différents personnages de l'histoire.
L'Homme de la Mancha était originalement un programme télé de CBS diffusé en 1959. Suite au succès de l'émission, le scénariste orignal - Dale Wasserman - est contacté pour adapter l’œuvre en comédie musicale. Le spectacle voit le jour en 1965 dans le Connecticut puis s'exporte à New York. En 1966, L'Homme de la Mancha remporte cinq Tony Awards dont celui de la meilleure comédie musicale, ce qui permet au spectacle d'être monté dans un théâtre de Broadway puis de traverser l'Atlantique. Une production voit le jour à Londres et une autre à Paris grâce à Jacques Brel qui se charge de la traduction française. Le tube de la comédie musicale - La Quête - sera ensuite repris par de nombreux chanteurs comme Julien Clerc ou Johnny Hallyday.
La mise en scène de cette production multiculturelle (belge/espagnole/uruguayenne) jouée au Châtelet est dans la même veine que celle du Chicago qui a été joué au Théâtre Mogador il y a 2 ans. En effet, les artistes et l'orchestre sont présents en continu sur la scène au sein d'un unique décor... qui représente ici un chantier. Pourquoi pas.
En haut d'un échafaudage, une toile a été tendue, sur laquelle sont projetées des interviews des artistes mais aussi des citations de Don Quichotte. Cette mise en scène met assez bien en valeur l'aspect carcéral de l’œuvre et la promiscuité qui règne en prison. On est saisi d'un sentiment d'oppression et de surveillance permanente, un peu comme en lisant 1984. J'ai trouvé néanmoins dommage que le regard soit attiré par les projections alors que l'on devrait rester concentré sur les performances live des comédiens. Ce problème est récurrent dans les mises en scène incluant de la vidéo.
La force de la pièce est sa capacité à faire happer le spectateur, tout comme les détenus, par le discours de Cervantes. On n'a qu'une envie : partager les illusions de Don Quichotte afin de vivre aussi ses aventures chevaleresques. Même si on connaît déjà l'histoire, on captivé par ce qui se passe sur scène. Un peu comme si on assistait à une n-ième version de Roméo et Juliette ou de West Side Story. Don Quichotte est une œuvre majeure et son adaptation est réussie.
Je regrette toutefois de ne pas avoir assisté au spectacle en langue originale. L'adaptation des chansons, bien que réalisée par Jacques Brel, est décevante, et la troupe multiculturelle ne met pas le français en valeur. Une comédie musicale n'est pas un opéra : on doit comprendre ce qui est chanté.
J'aimerais enfin citer deux comédiens qui se détachent du reste de la troupe par leurs performances vocales et d'acteur : Ana Naqe dans le rôle de Dulcinea et Pierre Derhet dans celui du barbier / du prêtre.
Au final, même s'il ne s'agit pas d'un spectacle exceptionnel comme le Châtelet en a été l'écrin il y a quelques années, cet Homme de la Mancha a été pour moi une belle découverte et m'a permis de passer une belle soirée pour cette reprise de la vie culturelle.